Paroles : Boris Vian (1920-1959). Texte poétique pacifiste, dont la première partie est dédiée aux victimes de la guerre, tandis que la seconde s’en prend aux puissants à qui la guerre a profité… Cette chanson écrite en 1954 a été mise en musique en 1980 par Claude Vence, et chantée par Joan Baez, Catherine Sauvage, Magali Noël, Annick Cisaruk et Francesca Solleville.
A tous les enfants qui sont partis le sac au dos
par un brumeux matin d’avril
je voudrais faire un monument
A tous les enfants qui ont pleuré le sac au dos
les yeux baissés sur leurs chagrins
je voudrais faire un monument
Pas de pierre, pas de béton
ni de bronze qui devient vert
sous la morsure aiguë du temps
un monument de leur souffrance
un monument de leur terreur
aussi de leur étonnement
Voilà le monde parfumé,
plein de rires, plein d’oiseaux bleus
soudain griffé d’un coup de feu
un monde neuf où sur un corps qui va tomber
grandit une tâche de sang
Mais à tous ceux qui sont restés
les pieds au chaud sous leur bureau
en calculant le rendement de la guerre qu’ils ont voulue
à tous les gras tous les cocus qui ventripotent dans la vie
et comptent et comptent leurs écus
A tous ceux-là je dresserai
le monument qui leur convient
avec la schlague avec le fouet avec mes pieds avec mes poings
avec des mots qui colleront sur leurs faux-plis,
sur leurs bajoues, des marques de honte, et de boue